2 janvier 2011


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Les coulisses du théâtre de Marionnettes de Salzbourg, en tournée à Paris, avec “La mélodie du bonheur” (The Sound Of Music).

Les marionnettes - Les décors - L'installation

 

 

 

 

Le théâtre de marionnettes de Salzbourg

Le théâtre de marionnettes de Salzbourg est une petite entreprise familiale qui aura 100 ans en 2013. Le théâtre ne reçoit aucune subvention, il  doit tout faire par lui même.

Il n’a qu’une seule troupe, soit à Salzbourg, pendant la saison de Pâque à septembre, et habituellement entre Noël et le nouvel an (cette année est une exception), soit en tournée à travers le monde.

La prochaine destination est Taiwan (début mars), puis ce sera Abou Dhabi (au milieu du mois). Avant ces dates, les marionnettistes ont un temps de récupération bien mérité, mais aussi, des réparations à effectuer, des répétitions. Pour la France, il a fallu 3 semaines pour travailler la synchronisation entre les dialogues français et les mouvements, à Taiwan les dialogues seront en anglais.

La version du théâtre de marionnettes de Salzbourg de La mélodie du Bonheur a été créée en anglais aux Etats-Unis, à Dallas. Le metteur en scène et le décorateur étaient américains, c’était une des conditions pour obtenir les droits d'exploitation. Après une tournée de 6 mois à travers aux Etats-Unis, le spectacle à été joué à Salzbourg.

Lors de la tournée, lorsque la troupe était dans le Vermont, la famille Trapp est venue voir le spectacle et l’a apprécié.

La version présentée a été longue à mettre en place : il a fallu faire beaucoup de coupures, afin de passer de 2h45 à 1h40 de spectacle. Cette version adapté à la fois du musical et du film rend certains personnages plus humains de par leurs réactions.

 

Actuellement, une toute petite équipe est restée à Salzbourg, elle prépare le petit prince en collaboration avec le Landestheater (théâtre de la ville de Salzbourg) pour le mois de janvier.

La petite fille du fondateur est marionnettiste, et intervient toujours dans les spectacles, mais aussi au niveau des décisions à prendre.

 

 

Après qu’il soit décidé de créer un nouveau spectacle, il faut compter un an et demi, entre le moment où la décision est prise, et le moment où le spectacle est joué.

Pour la mélodie du bonheur, entre le moment où l’équipe a reçu tous les plans du décorateur et les dessins des costumes, 6 mois se sont écoulés pour tout réaliser et répéter.

Parmi les marionnettistes, certains sont couturiers, d'autres peintres, charpentiers, forgerons.... ensemble, ils construisent les décors et les costumes. En tournée, cela permet d'assurer la maintenance des décors et des costumes.

Les Marionnettes

 

Les marionnettes sont créées spécifiquement pour un spectacle, et ne sont pas réutilisées : chacune a son style, sa manière d’être, et est créée pour le spectacle qui a lui aussi son propre style, son atmosphère.

 

Pour ce spectacle il y a une cinquantaine de marionnettes. Une fois que les marionnettes sont habillées, on ne peut changer leur tenue : il y a 10 fils par marionnette.

 

Quand on fabrique une marionnette, on l’habille et en dernier on accroche les fils. Ce serait trop long et complexe de changer les vêtements. C’est aussi la raison pour laquelle on ne peut utiliser les marionnettes d’un spectacle à l’autre.

 

Si un personnage doit apparaître avec 2 ou 3 costumes différents, on fait 2 ou 3 marionnettes différentes. Dans l’histoire, il y a 7 enfants qui ont 3 costumes ce qui fait déjà 21 marionnettes (rien que pout les enfants). La multiplication des marionnettes est rapide !

 

Les têtes et les mains des marionnettes sont sculptées dans du bois par des spécialistes. Quand il y a plusieurs marionnettes à refaire, on part de la marionnette en bois à partir de laquelle on fait un  moulage, puis on fait les doubles de la marionnette en résine.

 

Les marionnettes mesurent entre 60 et 70 centimètres.

Le même personnage avec deux tenues différentes :  deux marionnettes sont nécessaires.

 

 

Pour éviter d’avoir à faire trop de marionnettes, on peut cependant ajouter un élément simple,  une veste par exemple. Mais « l’habillage » de la marionnette reste quand même un peu long : il y a les fentes pour passer les fils et le vêtement est fermé avec des pressions. Ce genre de cas reste l’exception. À part Maria à qui on rajoute un manteau ou un voile, tous les personnages ont autant de doubles que de vêtements.

Il est possible d'ajouter un vêtement - ou accessoire - simple à une marionnette.

Les marionnettes sont toutes magnifiques (ci-dessus Maria dans sa robe de mariée). Un grand souci du détail, tant au niveau des vêtements, que du visage est apporté pour chacune d'elle.

 

 

 

La production d'un spectacle : une double mise en scène

Pour la tournée, 10 marionnettistes interviennent, et un technicien s’occupe du son et de la lumière.

 

Les marionnettistes donnent vie à leurs marionnettes depuis une plateforme rectangulaire qui surplombe la scène. Ils peuvent s'appuyer la tête contre la barre blanche rembourrée que l'on voit au milieu, afin d'éviter d'avoir mal aux lombaires. Cependant d'une part cela n'est pas toujours possible car quand la marionnette se déplace vers le devant de la scène le marionnettiste doit se pencher davantage, et d'autre part, le fait de s'appuyer provoque des douleurs aux cervicales!

L'espace de travail des marionnettistes vu d'en haut, avec les projecteurs....

... et vu d'en bas, avec la scène et des éléments de décor.

 

Il n’est pas rare qu’il y ait 10 marionnettes en scène au même moment. Si une marionnette doit traverser la scène, les marionnettistes doivent se passer la marionnette, tout en continuant à manipuler la marionnette dont il s’occupe. Rien que cela nécessite une très grande organisation, un long travail préalable et surtout une grande dextérité.

 

On peut voir que les marionnettistes n'ont pas toujours beaucoup de place....

... et doivent se pencher pour faire avancer leur marionnette sur le devant de la scène.

 

 

Tout va scrupuleusement être étudié et noté, afin de savoir qui fait quoi et à quel moment : rien ne peut être laissé au hasard.

Finalement, il y a une double mise en scène : ce qui se passe sur la scène et ce qui se passe au dessus….. et derrière ! Car les marionnettistes doivent aussi changer les décors, les gélatines sur les projecteurs. À peine a-t-on accroché une marionnette qu'il faut descendre pour préparer un décor. De même si une marionnette sort à cours (côté droit de la scène, vu de la salle) et doit réapparaître à jardin (côté gauche de la scène, vu de la salle), le marionnettiste va se déplacer.... mais la marionnette ne le fera pas toute seule comme un acteur le ferait ! Il faut donc prévoir que quelqu’un l’amène à la bonne place pour qu’elle soit prête au bon moment.

Les marionnettes sont rangées au départ, selon leur ordre d’utilisation puis, replacées à un endroit clé (ou rangées si elles ne sont plus utilisées par la suite).

Les marionnettistes passent plus de temps à travailler la coordination et l’organisation que le jeu lui-même.

Cependant, même pendant l’entracte, pas question de souffler : il faut procéder à l’installation des décors suivants !

En attendant d'être utilisées, les marionnettes sont suspendues dans les airs, à portée de main des marionnettistes.

Marionnette utilisée pour le "bis".

A la fin du spectacle, le rideau se lève pour laisser découvrir les marionnettistes au travail. On voit alors toute leur dextérité à manipuler des marionnettes, manipulant elles mêmes des marionnettes. C'est une idée excellente pour que le public réalise la complexité du travail !

 

Le théâtre de marionnette de Salzbourg n'utilise pas de grill (ensemble que l'on trouve dans les théâtre au dessus de la scène supportant les éléments de décor, et permettant de les monter ou de les descendre) car, quand ils sont en tournée, ils ne savent pas quelle hauteur de plafond ils auront. Au minimum plus de 4m25 sont nécessaires. Du fait de l'absence de grill, qui pourrait aider à faire apparaître ou disparaître les décors, ceux-ci viennent des côtés, ou parfois de sous la scène (avec l'utilisation de trappes).

 

les marionnettistes du théâtre de Salzbourg, dans les coulisses du théâtre Déjazet

 

Edouard Funck, Ursula Winzer, Philippe Branner, Michi Obermair, Pierre Doin, Vladimir Fediakof, Heidi Hölzel, Eva Wiener, Pavel Tikonov, Emmanuel Paulus

 

 

Il y a relativement peu d’écoles enseignant le marionnettisme, discipline souvent enseignée parmi d’autres. Les marionnettistes du théâtre de Salzbourg, même s’ils connaissent les techniques du marionnettiste, une fois engagées par le théâtre, doivent se familiariser avec les marionnettes utilisées. Il y a en effet des petites variantes d’un théâtre à un autre dans les croix (éléments permettant de donner vie aux marionnettes). Pierre Droin, Directeur Technique et marionnettiste, l'a été pendant 12 ans à Genève, mais quand il est arrivé à Salzbourg, il a dû s'adapter à la manipulation des marionnettes du théâtre.

Les marionnettistes de la troupe sont toujours les mêmes, certains depuis 40 ou 50 ans. On ne peut remplacer un marionnettiste au pied levé ! Ils jouent parfois en étant malade, ou même un pied dans le plâtre ! C’est toujours difficile, voire impossible, de faire des changements.

A Salzbourg, en cas de problème, ils peuvent faire appel à un ou deux collègues à la retraite en urgence pour un remplacement, pas en tournée !

La troupe n’utilise ni miroir ni vidéo, pour voir comment leurs manipulations affectent le jeu des marionnettes. En fait, c’est une question d’habitude. De plus ils sont trop occupés pour regarder sur un écran de contrôle, ou autre, tout en manipulant. Les marionnettistes, au dessus de la scène, ont une vue complètement différente de ce que voit le public. Le metteur en scène leur a donné au départ des indications qui, d’en haut, ne semblent pas toujours donner grand-chose mais, qui vues de la salle sont très réussies. Il faut toujours un peu transformer ce qui est fait comme manipulation, en ce qui est "vu" par le public.

 

Pendant le spectacle, en plus de toutes ces manipulations, les marionnettistes doivent s’occuper des changements de décors : il n’y a pas de technicien qui s’en occupe.

Il est impressionnant de voir, pendant une représentation, l’activité dans les coulisses. A peine sortie de scène, la marionnette doit être suspendue à l’endroit le plus approprié pour sa prochaine apparition. Un marionnettiste, qui vient de ranger sa marionnette va se glisser sous la scène pour récupérer un élément de décor qui doit disparaître. Un autre va rapidement descendre de la plateforme pour aller chercher un élément de décor qui ne servira qu’une fois (la lune par exemple), ou encore pour faire arriver des éléments de décor sur la scène (les escaliers ou les montagnes). Tout doit s’enchainer sans erreur et sans temps mort, c’est un véritable marathon qui se déroule pendant la mélodie du bonheur.

 

 

Les décors

En effet, au niveau du décor, contrairement aux opéras où il n’y a que 2 ou trois décors, et où tout est plus long et plus statique, pour la mélodie du bonheur (premier musical à entrer au répertoire du théâtre de marionnettes de Salzbourg), beaucoup de scènes très courtes s’enchainent (la plus longue dure 2 ou 3 minutes). C’est un élément nouveau pour l’équipe, habituée à des changements plus lents. Le metteur en scène lui, voulait que les choses soient plus rapides, plus enlevées que pour les productions d'opéras (jusqu'alors interprétées par le théâtre).

Pour d’autres productions, comme, Casse Noisette par exemple, le théâtre utilise un panorama sur rails (pour Le Songe d’une Nuit d’Été, il y a 23 mètres de panorama qui défilent, à titre indicatif, l’ouverture de scène est de 3 mètres, ce qui représente environ 7 fonds différents).

Parfois, le théâtre utilise une scène tournante comme pour le Barbier de Séville, les Noces de Figaro, ou la Chauve souris.

En fait, le théâtre a tout un répertoire qu’il joue en permanence. Pendant le festival de Salzbourg, le spectacle qui est joué le matin est différent de celui du soir.

Au cours du temps, des spectacles viennent s’ajouter, d’autres sont enlevés. Ainsi les contes d’Hoffmann n’ont pas tellement attirés le public, même si ceux qui l’avaient vu l'ont apprécié. La flute Enchantée qui a plus de 50 ans a gardé sa mise en scène d'origine sans avoir vieilli, contrairement à l’enlèvement au Sérail monté à la même époque.

La Mélodie du Bonheur qui se joue depuis 2007 attire tous les publics, au printemps dernier à Abu-Dhabi puis à Beyrouth, l’année précédente à Bahreïn.

En général, c’est toujours la même équipe qui met en scène les productions (sauf pour la Mélodie du Bonheur).

 

Pour La Mélodie du Bonheur, en plus de tous les éléments de décors, il y a un fond sur lequel sont projetées des diapositives, elles même éclairées par des lumières de couleurs différentes, ce qui donne un arrière plan des plus réussis. Il y a aussi un dispositif d’iris qui s’ouvre et se referme pour permettre de transformer l’image d’un oiseau en montagnes : un moment somptueux (quand la mère supérieure dit à Maria de retourner chez les von Trapp "Climb ev’ry Mountain").

Le théâtre de marionnettes de Salzbourg, c’est finalement un théâtre « en petit ». Avec des projecteurs assez petits, des décors, des effets visuels et sonores. On en vient à oublier que les personnages que l’on voit sont des marionnettes, et c’est la preuve de la réussite du spectacle.

 

Cyclorama (écran blanc tendu et légèrement courbé) sur lequel sont projetées les diapositives... 

.... éclairées par des projecteurs, permettant de modifier l'ambiance selon les besoins (un ciel bleu peut ainsi  prendre des allures de coucher de soleil)

 

 

 

L'installation préalable

En plus de tout ce travail pendant le spectacle, les marionnettistes doivent installer leur matériel (4 tonnes pour cette tournée) dans le théâtre.

Quand l’équipe est bien rodée, en tournée, il faut compter dans de bonnes conditions 2 heures de montage, et 1h15 / 1h30 de démontage. Chacun a son travail à faire : tout est organisé, ce qui permet cette rapidité. Au Déjazet, comme il n’y a pas d’accès direct de l’extérieur depuis la scène, il a fallu porter tous les éléments depuis la rue jusqu’à l’entrée du théâtre (4 heures ont été nécessaires).

La régie son et lumière est dans la salle, sauf quand il n’y a pas assez de place, on doit alors l’installer en coulisses.

 

Dans les tournées de ville en ville, l’équipe voyage le matin, monte tous les éléments l’après midi, joue le soir puis démonte le tout. Le lendemain ils repartent. « Un peu comme un cirque » indique Pierre Droin « c’est ce qui est bien car ça change tout le temps, ce n’est pas monotone.  Après, nous avons un temps de récupération (bien mérité) à Salzbourg, mais nous sommes content de repartir. »

 

Une partie de l'installation.

 

J'espère que cette aventure dans les coulisses d'un théâtre pas comme les autres, vous aura permis d'apprécier et comprendre le travail effectué pendant le spectacle.

Sachez que si vous avez raté les marionnettes de Salzbourg cette année, vous pourrez les retrouver en tournée du 1er au 21 décembre 2011 en région parisienne, et dans les grandes villes de France.

 

Un grand merci à Pierre Droin pour toutes les informations qu'il m'a données, et un grand bravo à Edouard, Ursula, Philippe, Michi, Pierre, Vladimir, Heidi, Eva, Pavel et Emmanuel, pour le travail extraordinaire qu'ils font à chaque représentation, et qui fait naitre la magie qui enchante les spectateurs.

Régis Gayraud

 

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